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des substances, et de les employer seulement pour désigner deux ordres évidemment distincts de phénomènes. L’étude expérimentale de ces phénomènes, sans opinion préconçue touchant leur substratum, un ou multiple, rectifierait bien des idées fausses nées du sens traditionnel, aujourd’hui suranné, de ces mots. On arriverait bientôt à reconnaître que l’abîme qui séparait ces choses n’était qu’une lacune de la science, leur incompatibilité une apparente contradiction de deux analyses incomplètes, opérées à des degrés inégaux de réflexion. Plus d’un philosophe sérieux, sincère, conviendra qu’il n’a pas des idées suffisamment nettes sur les objets de la dispute ; c’est à l’élucidation de ces idées qu’il nous importe de travailler tous, au lieu de nous quereller pour des solutions définitives qui ne seront pas mûres de longtemps. Le désaccord cessera peu à peu, à mesure que la réflexion, retardée par les vocabulaires et les systèmes qui immobilisent la pensée, se portera librement de toutes parts sur les mêmes données expérimentales.


PRINCIPE DE LA CURIOSITÉ




Nous avons établi, au début de cette étude, que l’homme ne croit pas avoir achevé la science d’une chose tant qu’il n’a pas obtenu de réponse à ces trois questions ? Qu’est-elle ? Comment s’est-elle produite ? Pourquoi est-elle ? Son intelligence n’est pas satisfaite s’il ne connaît l’être et la raison d’être de l’objet.

Nous venons de voir qu’elle ne le sera jamais complète-