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matière n’est pas distincte de la force, qu’il n’existe dans la nature que de la substance active ; qu’enfin, loin d’avoir pour caractère propre d’être massive et inerte, la matière n’est que par son activité, dont les divers modes s’appellent propriétés, puissances ou forces. Une force, c’est la matière même agissant par une de ses propriétés ; la matière est la substance même des forces. Cette vue réhabilite la matière, jusque-là si méprisée, si ravalée au profit d’une certaine classe de substances spirituelles qu’il fallait bien imaginer pour expliquer tous les phénomènes actifs. La matière réduite à une masse inerte, ne pouvant rien sur elle-même ni par elle-même, n’avait d’autre propriété que de subir l’action de ces êtres hypothétiques appelés forces, principes vitaux, esprits ; tandis qu’en fait ces êtres ne sont qu’une abstraction des propriétés actives inhérentes à la matière, inséparables d’elle, et qui sont toutes conditions et bases les unes des autres, suivant une gradation dont la série des êtres marque le progrès depuis le caillou Jusqu’à l’homme. Il convient donc de reléguer le puéril mépris de la matière parmi les naïvetés de la connaissance spontanée ; mais il faut en même temps lui rendre ses vrais attributs et la concevoir dans route sa puissance et sa complexité.


THÉORIE ATOMIQUE




Les observations précédentes, quelque incomplètes qu’elles soient, nous permettent d’apprécier une métaphysique fort ancienne sur l’être des choses, la théorie atomique ou moléculaire, que la science moderne a rajeunie.