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mènes physiques et le caractère permanent des phénomènes chimiques, c’est arbitraire. Que l’équilibre des forces en jeu soit plus ou moins stable, plus ou moins durable, les lois qui régissent les forces sont toutes permanentes et seules elles le sont. Il n’y a d’absolument fixe que les lois. Les états chimiques sont si peu permanents qu’ils changent perpétuellement pour la nutrition du monde organisé, et les états physiques si peu transitoires par essence que le poids des corps est constant. Les sciences se désignent suffisamment, il est inutile et même dangereux de vouloir les définir avec exactitude ; on risque d’élever entre elles des barrières imaginaires. Ne doivent-elles pas toutes se confondre à leurs limites ? Elles ne pourraient d’ailleurs se définir que par leur objet, qu’elles ont précisément mission de définir. Il serait puéril de chercher si l’action analytique et synthétique de l’électricité est chimique ou physique, elle est à la fois et indivisément l’un et l’autre. Ne traçons point de démarcation exclusive : constatons seulement que les phénomènes chimiques modifient les corps dans leur unité spontanément perçue, c’est-à-dire que par la composition et décomposition des corps connus, ils en offrent de nouveaux à notre perception ; par là ces phénomènes révèlent dans les corps d’autres propriétés plus distinctives que les propriétés communes à tous et dites physiques.

Le chimiste, comme tout savant, prend nécessairement pour point de départ de ses recherches les données de la connaissance spontanée. Il accepte de celle-ci une première distinction des corps ; il perçoit instinctivement comme des unités différentes, l’eau, les minéraux, les métaux, etc. ; mais il réfléchit sur la nature de ces unités, sur leur principe intime.