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C’est leur appel qui rend aux naufragés courage,
Reproche aux abattus leur langueur à l’ouvrage
          En leur nommant les caps aimés,
Dans les derniers vaillants entretient l’espérance,
Et, même en pleine mer, chante la délivrance
          Au sombre cœur des affamés !

Tout homme entend ces voix l’adjurer d’être digne,
D’être fidèle au rang que la douleur assigne
          À son espèce en l’Univers.
Oh ! Que penser est doux quand l’étude est féconde !
J’en frissonne : un rayon dont la clarté m’inonde
          Dessille mes yeux entr’ouverts !

C’est de ce rang conquis la conscience innée,
Gardienne d’une espèce et de sa destinée,
          Qui me révèle mon devoir !
Elle m’enjoint d’être homme et de respecter l’homme,
Au nom des cieux passés dont la terre est la somme,
          Et des cieux futurs, mon espoir !

Non que j’ose espérer que le temps y ranime
Le spectre évanoui de ma pensée infime ;
          Mais je sais que l’ébranlement
Qu’en battant pour le bien mon cœur ému fait naître,
Humble vibration du meilleur de mon être,
          Se propage éternellement !