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Je cherche ce foyer, du moins ce qu’il en reste
Après qu’il a rempli l’immensité céleste
          Des feux à sa masse arrachés.
Vrai chorège, il défraye et préside les rondes
Dont l’enlace le chœur des innombrables mondes
          Qu’il a, comme un frondeur, lâchés.

Sans doute il est encore en pleine incandescence ;
Et les astres auxquels il a donné naissance
          Lui font cortège maintenant,
Ainsi que d’une ruche on voit l’essaim né d’elle
S’échapper sans la fuir, et, déserteur fidèle,
          N’en sortir qu’en l’environnant.

Plus loin, beaucoup plus loin que les visibles sphères,
Bien plus haut, par delà les cendres d’or légères
          Dont le Zodiaque est sablé,
Je contemple en esprit ce soleil patriarche :
Il excède en grandeur la planète où je marche,
          Comme elle excède un grain de blé ;

Et ce qu’au grain de blé pèse un grain de poussière,
Parasite ténu d’une masse grossière
          Je le pèse à ce globe-ci ;
Mais il porte avec moi, ce globe misérable,
Ce qui manque au soleil : l’idée impondérable,
          L’amour impondérable aussi !