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L’arbre des races pousse autrement que le chêne,
Qui du sol ténébreux fait monter au ciel clair
Son feuillage unanime et populeux dans l’air,
Par des rameaux sans nombre enchevêtrés sans gêne ;

Il ne circule pas une sève homogène
Dans cet arbre saignant à l’écorce de chair,
Et jamais les rameaux n’y fleurissent de pair :
Où triomphe une race, une autre est à la chaîne.

L’humanité plutôt ressemble à ces forêts
Où la plus forte essence accomplit son progrès
Par l’étouffement lent de ses faibles cousines,

Où sous les vents d’orage un végétal géant,
Foulant de ses bras lourds les floraisons voisines,
Les brise, les effeuille et les met à néant.




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