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Depuis que j’ai quitté les gracieux vallons
Où mes vingt ans chantaient leur peine et leur folie,
Et que pour retremper ma pensée amollie,
J’ai des pics éternels gravi les échelons,

Le front dans les brouillards et dans les aquilons,
Je glisse en trébuchant sur la glace polie,
Et me souviens parfois avec mélancolie
Des prés qui m’ont laissé de leur mousse aux talons.

Et j’ai beau me boucher des deux mains les oreilles,
J’entends monter des voix à des appels pareilles,
Indomptables échos du passé dans mon cœur :

Ce sont tous mes instincts poussant des cris d’alarme ;
En moi-même se livre un combat sans vainqueur
Entre la foi sans preuve et la raison sans charme.




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