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La cendre et la vapeur, qu’en germes il enserre.
Or, il est évident que rien de tel n’a lieu :
Il est donc faux qu’ainsi les choses s’entremêlent,
Mais les germes, communs aux corps qui les recèlent,
Y font mainte alliance en variant leur nœud.
     Pourtant, me diras-tu, les puissantes tempêtes,
Soufflant sur les grands monts, contraignent quelquefois
Les hauts arbres voisins à tant froisser leurs faîtes
Que la flamme jaillit en vifs éclairs du bois.
Mais la flamme en ce bois n’est pas toute produite,
Ses germes seuls y sont qui, par le frottement
Rassemblés, des forêts causent l’embrasement ;
Si la flamme y gisait à l’avance introduite.
Le feu ne se pourrait jamais dissimuler,
Il devrait, attaquant les arbres, tout brûler.
     Je te l’ai donc bien dit : ce qui surtout importe,
Ce sont des éléments tous de la même sorte,
Leur concours, le rapport qui les tient ordonnés,
Les mouvements entre eux soit reçus, soit donnés.
C’est ainsi que, changeant à peine leurs systèmes,
Ils font le bois, le feu ; comme dans ces mots mêmes
Il suflit de changer les lettres quelque peu
Pour désigner de noms distincts le bois, le feu.
     Enfin, si rien pour toi du spectacle des choses
N’est explicable à moins qu’en tout tu ne supposes
Des genres de nature analogue aux produits,
Dans leurs propres effets les germes sont détruits ;
S’ils vibrent dans l’éclat du ris qui les secoue,
Comment de pleurs salés vont-ils baigner la joue ?