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     L’Agrigentin fameux, Empédocle y croyait,
Celui qu’enfanta l’île à bords triangulaires
Dont la mer d’Ionie aux eaux vertes et claires
Bat les golfes profonds de son flot inquiet,
Et, prompte, se ruant par un étroit passage,
Des bords italiens sépare le rivage.
Charybde immense est là ; c’est là qu’en grommelant
Bout l’Etna qui menace, encor gros de colère,
De vomir de sa gorge un autre jet brûlant,
Flambante éruption dont tout le ciel s’éclaire !
Des merveilles ont mis cette terre en honneur,
Et tout le genre humain l’admire et la renomme :
Sol opulent, armé d’une race au grand cœur ;
Mais il n’en est sorti rien d’égal à cet homme,
D’aussi prodigieux, d’aussi cher et sacré !
Ah ! dans de si beaux chants sa divine poitrine
Exhale et fait parler son illustre doctrine
Qu’à peine paraît-il de sang d’homme engendré !
     Hé bien ! lui-même et ceux qu’en ces vers j’interpelle,
Mais que si loin son œuvre a laissés derrière elle,
Eux qui, dans leur sublime et riche invention,
Arrachent un oracle au temple de leur âme,
Plus sûr et plus divin que tout ce que proclame
La Pythie au trépied verdoyant d’Apollon,
Sur les sources du monde, écueil de leurs disputes,
Faillissent lourdement ! Aux grands les grandes chutes !
     Et d’abord, sans nul vide ils font tout se mouvoir,
Et gardant les corps mous et subtils, la lumière,
Le feu, l’air, les vivants, les plantes et la terre,
Sans y mêler de vide ils les croient concevoir.