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les vaines tendresses.


L’âme de ses fardeaux s’allège
Par la fuite immense de tout ;
La mémoire comme une neige
              Se dissout.

Toute la vie ardente et triste
Semble anéantie à l’entour,
Plus rien pour nous, plus rien n’existe
              Que l’amour.

Aimons en paix : il fait nuit noire,
La lueur blême du flambeau
Expire… nous pouvons nous croire
              Au tombeau.

Laissons-nous dans les mers funèbres,
Comme après le dernier soupir,
Abîmer, et par leurs ténèbres
              Assoupir…

Nous sommes sous la terre ensemble
Depuis très longtemps, n’est-ce pas ?
Écoute en haut le sol qui tremble
              Sous les pas.