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les vaines tendresses.


Ni des paroles solennelles
Pour changer leur culte en devoir,
Ni du mirage des prunelles
              Pour se voir.

Ne me fais plus jurer que j’aime,
Ne me fais plus dire comment ;
Goûtons la félicité même
              Sans serment.

Savourons, dans ce que nous disent
Silencieusement nos pleurs,
Les tendresses qui divinisent
              Les douleurs !

Chère, en cette ineffable trêve
Le désir enchanté s’endort ;
On rêve à l’amour comme on rêve
              À la mort.

On croit sentir la fin du monde ;
L’univers semble chavirer
D’une chute douce et profonde,
              Et sombrer…