Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1872-1878.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
le zénith.

Moi, je salue en vous le genre humain qui monte,
Indomptable vaincu des cimes qu’il affronte,
Roi d’un astre, et pourtant jaloux des cieux entiers !

L’espérance a volé sur vos sublimes traces,
Enfants perdus, lancés en éclaireurs des races
Dans l’air supérieur, à nos songes trop cher,
Vous de qui la poitrine obstinément fidèle,
Défiant l’inconnu d’un immense coup d’aile,
Brava jusqu’à la mort l’irrespirable éther !

Mais quelle mort ! la chair, misérable martyre,
Retourne par son poids où la cendre l’attire,
Vos corps sont revenus demander des linceuls ;
Vous les avez jetés, dernier lest, à la terre,
Et, laissant retomber le voile du mystère,
Vous avez achevé l’ascension tout seuls !

Pensée, amour, vouloir, tout ce qu’on nomme l’âme,
Toute la part de vous que l’infini réclame,
Plane encor, sans figure, anéanti ? non pas !
Tel un vol de ramiers que son pays rappelle
Part, s’enfonce et s’efface en la plaine éternelle,
Mais n’y devient néant que pour les yeux d’en bas.