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le zénith.

Et cette cendre éparse, un moment radieuse,
Retourne se mêler à la poudre odieuse
De nos chemins étroits que leurs pieds ont quittés.
 
Depuis que la pensée, affranchissant la brute,
A découvert l’essor dans les lois de la chute,
Et su déraciner les pieds humains du sol,
L’homme a hanté des airs que nul oiseau n’explore,
Mais il n’avait jamais osé donner encore
Une aussi téméraire envergure à son vol !

Pourtant ils n’ont pas peur. La vérité suscite
Au plus timide front que son amour visite
Une sereine audace à l’épreuve de tout ;
Immuable elle inspire à ses amants sa force,
Et, quand de ses beaux yeux on a suivi l’amorce,
Affamé de l’atteindre, on vit et meurt debout.

Ils goûtent du désert l’horreur libératrice.
Mais, si vite arrachée à sa ferme nourrice,
La chair tressaille en eux par un instinct d’enfant ;
Serrant l’osier qui craque et n’osant lâcher prise,
Il semble qu’elle étreigne un lien qui se brise
Et pressente qu’en haut plus rien ne la défend.