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les destins

       S’il n’attend rien, ne saurait être
       Le plus heureux ni le meilleur !

       « Qu’il achète à l’étude austère
       L’orgueil des secrets pénétrés ;
       Que d’abord tout lui soit mystère,
       Pour qu’il sente en lui par degrés
       Le jour de l’évidence éclore,
       Poindre et blanchir comme une aurore,
       Puis l’envahir et l’inonder,
       Et du doute où le cœur naufrage
       Surgir, comme un roc de l’orage,
       Une foi stable pour fonder.

       « Qu’emprisonné l’esprit s’évade
       Pour goûter l’affranchissement ;
       Que, pour jouir de l’escalade,
       D’âge en âge indéfiniment
       Il monte d’étoile en étoile ;
       La vérité toujours sans voile,
       Comme un ciel jamais obscurci,
       Lui serait morne et monotone ;
       Qu’il découvre pour qu’il s’étonne,
       Et qu’il puisse admirer aussi !