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les destins

Comme s’il assurait ses pôles mal assis,
Et sentait en ses flancs sourdre l’ordre indécis.

« Mais n’est-il pas encore un destin plus auguste ?
Un monde est-il parfait où ne vit pas un juste ?
Est-il tout à fait beau sens héros ni martyr ?
Je rêve, par delà posséder et sentir,
Un état plus sublime, et crois meilleur encore
Qu’un loisir doux à l’âme un labeur qui l’honore !
Je veux que l’habitant de ce nouveau séjour
Rehausse en lui les dons de puissance et d’amour
Par une conquérante et généreuse vie,
Où le vouloir travaille et le cœur sacrifie. »

Ainsi l’Esprit du bien, bornant ses premiers vœux,
En forme un plus parfait qui les contient tous deux :

       « Ni la toute-puissance même,
       Ni même l’absolu savoir
       Ne confèrent le bien suprême.
       L’être, dit-il, qui peut s’asseoir
       Parmi le tumulte des choses,
       Seul exempt des métamorphoses,
       Dans un repos supérieur,
       Pour si grand qu’il puisse paraître,