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les destins

Comme un adroit jongleur fait alterner les balles.
La main toujours présente à leurs chutes égales,
Et l’œil toujours fixé sur toutes à la fois.

« Il verra découler des plus riches essences
Le flot limpide et sûr des belles conséquences ;
Le regard immobile et le bras arrêté,
Dégageant sans fatigue une force éternelle,
Et tenant sans vertige ouverte sa prunelle
Sur la forme accomplie et sur la vérité.

« Quel plaisir comparable à l’orgueil de connaître
De suivre à l’infini dans la trame de l’être
Le long fil de la cause enchaînant les effets !
Et quelle plus sublime et pure jouissance,
Que, voyant l’idéal, d’exercer la puissance
Pour le goûter réel en des œuvres parfaits ! »

Il parle, et l’on croirait que déjà se dégage,
Au rythme impérieux de son grave langage,
Une forme expressive enveloppée encor,
Où d’un esprit naissant palpiterait l’essor ;
L’abîme se recueille, et le globe en silence
Sur un axe invisible hésite et se balance,