Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1872-1878.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
la révolte des fleurs.

Reviens ouïr encor d’harmonieuses gammes
Courir, pour te chanter, aux sept trous d’un roseau.

Comme au temps des aïeux, reviens enguirlander
Les harnais de la vie et ses jougs nécessaires,
Et fêter, comme alors, les saints anniversaires,
Tous les chers souvenirs consolants à garder.

Ah ! c’est encore aux fleurs, dont la grâce est promesse,
De couronner au seuil les destins commencés,
Présage aux fronts des morts d’éternelle jeunesse,
Augure de beaux jours aux fronts des fiancés. »

Et pendant qu’il chantait, ainsi qu’au temps d’Orphée,
On vit se balancer en cadence les bois
Sous l’effort palpitant de leur âme étouffée,
Et voici qu’un rosier s’attendrit à sa voix.
La Rose, à cette voix qui la flatte et l’implore,
Sent fléchir sa rancune et résiste à demi ;
Ce qu’au long deuil du monde elle refuse encore,
Elle l’accorde au chant de son antique ami,
Et le frisson qui court dans la royale plante
Fait rouler sur sa tige une larme tremblante ;