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la révolte des fleurs.


III


La révolte durant depuis trois ans déjà,
Bientôt le regret vague en besoin se changea.
L’obsédant souvenir du beau temps des calices
Des labeurs de la vie avait fait des supplices ;
Chacun, toute l’année, attelant sans répit
Ses mains à son outil, son front à son problème,
Travaillait d’un air morne et comme avec dépit.
Plus de fête : sans fleurs la joie est sans emblème ;
Avec l’éclosion le sourire avait fui ;
Tous s’ennuyaient : l’ennui s’engendre de l’ennui.

On eût pour une fleur vivante
Donné le plus riche grenier,
La rançon d’un roi prisonnier.
On mit tous les herbiers en vente.
On se disputait un lambeau
D’un lis jaune et mélancolique,
Exhibé dans son froid tombeau
Comme une adorable relique.