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la révolte des fleurs.


Dans l’air candide, où les senteurs
Flottent comme une extase errante,
Il semble que l’âme souffrante
Ne sente plus ses pesanteurs ;

Elle subit l’intime empire
D’un baiser céleste, reçu
De toutes parts à son insu
Comme un bonheur qui se respire.

Ah ! ce ravissement divin,
C’est une trêve dans l’année
Pour la race humaine, sans fin
Aux rudes labeurs condamnée.

La facile moisson des fleurs
Baise les mains endolories,
Et, portant l’âme aux rêveries,
Force au repos les travailleurs.

Les fenêtres des jeunes filles
S’ouvrent à l’arôme des bois,
Qui, ralentissant les aiguilles,
Les fait glisser du bout des doigts.