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la révolte des fleurs.


« Ah ! qu’ils sont loin les jours où l’aspect d’une acanthe
Inspirait leur parure aux frustes chapiteaux,
Où les fins ouvriers des plus rares métaux
M’empruntaient les contours d’une coupe élégante !

« J’aidais l’amant à vaincre ; il achète à vingt ans
Le plaisir sans pudeur d’un baiser sans prière.
Et l’amante confie aux doigts d’une ouvrière,
Pour fleurir ses cheveux, le travail du printemps.

« Je ne suis plus au bal qu’un luxe de commande,
Je ne couronne plus les fronts dans les banquets ;
Même aux fêtes des morts, combien peu de bouquets
Sont cueillis par les mains qui leur en font l’offrande !

« Chez des êtres blasés, brutaux ou dissolus,
Je règne sans grandeur comme une courtisane.
L’art grossier me trahit, l’amour vil me profane,
On me cultive encore, on ne m’honore plus ! »

Sa plainte, qu’entendaient ses voisines compagnes,
Courut de proche en proche, éparse en les campagnes
Au gré des vents, des flots, des insectes ailés ;