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la france.


IX


Vous qui, des beaux loisirs empruntant les beaux noms,
Revêtez l’Idéal d’une forme qui touche,
Où fuirez-vous l’Europe, ô Muses qu’effarouche
Le tonnerre insultant des stupides canons ?

Vous ne porterez pas vos fiers et frêles dons
Aux peuples d’outre-mer dédaigneux de leur souche ;
Partout l’abeille attique a déserté la bouche ;
Vous laisserez la vie errer seule à tâtons.

Ah ! du moins renouez votre céleste ronde
Sur l’invisible Pinde où l’élite du monde
Se range sans drapeaux pour vous tendre la main.

J’ai beau faire, j’émigre où s’enfuit la concorde ;
Je tiens de ma patrie un cœur qui la déborde,
Et plus je suis Français, plus je me sens humain.