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la france.

IV

 
Les races à déchoir tardent plus qu’on ne croit :
D’héroïques aïeux, dans le sang de chaque homme,
Ont amassé longtemps des vertus dont la somme
Patiemment accrue avec lenteur décroît.

Sur le front de Caton siégeait l’orgueil du droit,
L’âpreté du vouloir, la prudence économe,
Et plus d’un rustre encor dans les faubourgs de Rome
Porte haut ce front court solidement étroit.

Quand, debout et pensive, à mes yeux se découvre
La foule des grands morts qui couronne le Louvre,
J’y regrette, honteux, l’ancien peuple français ;

J’en pleure la figure et l’âme disparues,
Et soudain je les trouve éparses dans les rues
Sur les plus humbles fronts que je méconnaissais.