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la france.


II


Tous les vaincus d’hier n’ont pas l’air soucieux :
J’en vois, ils me font peur, qui parlent de revanche
Avant que la patrie, encore pâle, étanche
Tout le sang que ses fils devaient dépenser mieux ;

Je les vois, caressant leur lèvre au poil soyeux,
Des croix sur la poitrine et de l’or à la manche,
Le poing superbement appuyé sur la hanche,
Quêter comme autrefois les regards des beaux yeux.

Ah ! ceux-là, je le sais, depuis que la frontière
Est, comme une blessure, ouverte tout entière,
De leurs généreux corps sont prêts à la couvrir ;

Mais quelles nuits d’étude, ô braves, sont les vôtres ?
Ou seriez-vous trop fiers pour apprendre des autres
À tuer aussi bien que vous savez mourir ?