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Vous tous, prodiguez-nous les leçons et l’exemple
Vous, les forts, dont l’esprit veut reposer toujours
Sur le couronnement solide et pur du temple,
Sur l’aile du poème ou le flot du discours !
Enseignez-nous encor le secret de vos lyres,
De vos mâles ciseau, dont la naïveté
Nous fait toucher le vrai jusque dans leurs délires
Et jusque dans les dieux sentir l’humanité.
Transportez-nous encore où le bonheur commence,
Au seuil des paradis que nous promet la mort :
La foi dans l’idéal est la sainte démence
Qui fait de l’œuvre humaine un vertueux effort,
Elle est le goût suprême, et toute fantaisie
Se condamne à périr en lui faisant affront ;
Le beau reste dans l’art ce qu’il est dans la vie !
A défaut des vieillards les jeunes le diront.
Ils chercheront du moins. Leur fierté répudie
Du doute irréfléchi le désespoir aisé ;
Ils sentent que le rire est une comédie,
Que la mélancolie est un cercueil usé ;
Le rêve dégoûté commence à leur déplaire,
L’action sans la foi ne les satisfait pas ;
Ils savent repousser d’un front chaste et colère
Ces deuils voluptueux des vaincus sans combats !