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I


L’IDÉAL


Contemplons de là-haut l’universelle vie,
Et, spectateurs de l’être, évoquons les vieux jours :
La terre impétueuse à sa route asservie,
Vapeur confuse, énorme, aux palpitants contours ;
Chaque atome irrité de ses secrètes chaînes ;
Des esprits échappés les mutuels assauts ;
Le pêle-mêle ardent des amours et des haines,
Dans un tonnerre immense aux lumineux sursauts.
L’ordre insensiblement sort de l’antique lutte ;
Une eau lourde et sans bords roule de noirs glaçons,
Le porphyre s’assied, les sables font leur chute,
Un air sombre et rapide ébauche les saisons.
La ligne harmonieuse annonce la pensée :
Salut à la beauté dans le premier cristal !
Avec le rocher brut à peine commencée,
La forme s’accomplit de l’herbe à l’animal ;