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Mais surtout cachez-lui l’âge de votre fille,
             Ses premiers hivers triomphants
Au bal, où chaque mère a sa perle qui brille,
             Printemps des nuits où la famille
             Fête la beauté des enfants.

Ne soyez, en lavant sa blessure cruelle,
             Ni le flatteur des longs regrets,
Ni le froid raisonneur dont l’amitié querelle,
             Ni l’avocat de Dieu contre elle
             Qui saigne encor de ses décrets.

Mais soyez un écho dans une solitude,
             Toujours présent, toujours voilé :
Faites de sa souffrance une invisible étude,
             Et si le jour lui semble rude,
             Montrez-lui le soir étoilé.

La nature à son tour par d’insensibles charmes
             Forcera la peine au sommeil ;
Un jour on offre aux morts des fleurs au lieu de larmes…
             Que de désespoirs tu désarmes,
             Silencieux et fort soleil !