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ÉPAVES


Et pour que ton génie, affranchi du besoin,
Après t’avoir sacrée ici-bas souveraine,
Te rêve au ciel un trône et s’y cherche un témoin ?

Il te reste, ô dompteuse ! à te dompter toi-même,
À vaincre l’injustice et la discorde en toi,
À connaître, ô savante ! hélas ! ta propre loi.
Or c’est pour éclairer cet antique problème,
En sonder de sang-froid toute la profondeur,
Te faire dignement porter ton diadème
Et t’enseigner un sort conforme à ta grandeur ;

C’est pour interroger tous les peuples du monde,
Offrir en un faisceau les rayons égarés
Des flambeaux par l’espace et le temps séparés
Et fournir à l’étude un jour qui la féconde ;
C’est pour sauver l’enfant, le pauvre, de la nuit,
L’oisif du sourd orage où sa sentence gronde,
Le gueux du crime où l’or avare et froid l’induit ;