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APRÈS LA LECTURE DE KANT



Que la terre soit ferme et porte des cités !
Que les printemps soient doux et riches les automnes !
L’amour, la joie et l’or, ces choses sont si bonnes !
Mon doute les bannit de mes jours agités ;
Ce doute insidieux m’emprisonne en moi-même.
Je ne sais plus choisir ni goûter ce que j’aime :
L’Univers ne m’est plus qu’un immense étranger.
Abolissez en moi le don d’interroger,
Ce privilège auguste et décevant de l’homme,
Ou que je sache au moins comment il faut qu’on nomme :
Force aveugle et sans but ou Dieu devenu fou,
Ce maître que j’accuse en pliant le genou.


1863.