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la côte. Long-temps on vit la tartane manœuvrer avec une agilité surprenante pour échapper aux deux lougres. Tantôt elle carguait à demi ses voiles rouges et mettait en travers à la lame. La vague alors la couvrait d’une mousse blanche qui retombait en pluie, brillante des nuances diaprées de l’arc-en-ciel, et semblait l’entourer d’une auréole de pourpre et d’azur ; et là, elle attendait ses ennemis, la perfide, en se laissant aller aux ondulations de l’eau… Puis, quand ils approchaient, frémissante sous son gouvernail, elle venait au vent, étendait ses voiles comme de grandes ailes de pourpre, et laissait bien loin derrière elle ces bons bâtimens espagnols qui s’étaient follement flattés de la saisir.

Tantôt virant de bord, et se couvrant tout à coup de pavois et de pavillons de mille couleurs, elle courait elle-même sur les garde-côtes. Eux se séparaient aussitôt pour la prendre entre deux feux, et se préparaient activement au combat. Mais elle, comme une coquette inconstante et capricieuse, revenait sur ses pas, serrait le vent au plus près, et allait se plonger dans les flots de lumière qui embrasaient l’atmosphère, désespérant ainsi ces honnêtes garde-côtes, qui venaient encore de faire une tentative