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restait en panne sous ses amures de la veille. Mélie rêvait assise sur le banc de quart, sa tête cachée entre ses deux mains ; mais lorsqu’elle la releva, le jour, déjà assez élevé, lui permettait de distinguer les objets qui l’entouraient, elle frémit d’horreur et de dégoût !

C’étaient des matelots couchés au milieu des pots et des débris du repas de la veille ; c’était le désordre le plus complet ; les boussoles renversées, les manœuvres et les cordages confusément mêles, des armes et des verres en éclats, des tonneaux défoncés laissant couler sur le pont des flots de vin et d’eau-de-vie… Ici, de braves compagnons endormis, les bras jetés de çà et de là, étreignaient encore une bouteille dont il ne restait que le goulot, semblables à ces fiers Cordovans, qui, morts, gardaient pourtant au poing le tronçon d’une dague. Là, un pirate dormait le cou passé sous la roue du gouvernail, de sorte qu’au moindre mouvement de rotation, il devait avoir la tête écrasée.

Un vrai lendemain d’orgie, et d’orgie de pirate encore !

Mélie commença par bénir la Providence de ce qu’elle avait protégé avec tant de sollicitude toute cette honnête société, que le brick berçait