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C’est vraiment une laide rue, que la rue Moa-B’d’hal, d’abord parce qu’un soleil ardent la calcine, et puis, parce qu’elle est le repaire de juifs et d’Arméniens, qui ont trouvé le moyen de passer pour des brigands, même au milieu des peuplades de pirates qui habitent cette partie de la côte d’Afrique. Aussi n’est-ce pas sans quelque danger que l’on pouvait se hasarder à traverser cette rue des Juifs, car souvent les Arabes du bey s’amusaient à s’embusquer à chacune de ses extrémités, et là, munis de leurs longs fusils, si merveilleusement incrustés d’argent et de nacre, ils guettaient les Arméniens ; et dès que l’un d’eux mettait la tête hors de sa porte pour sortir, quatre ou cinq coups de fusil l’avertissaient que les fils du Désert venaient de boire quelques verres de ce bon c’hispa, que la vieille Mauresque de la place au poisson leur vendait si bon marché, et qu’ils étaient en train de se divertir un peu.

Aussi Fasillo eut-il beaucoup de peine, non à se faire ouvrir, mais seulement à attirer à l’étroit guichet d’une énorme porte de fer, la longue et cadavéreuse figure d’un grand vieillard, coiffé d’une espèce de calotte jaune, qui encadrait d’une manière bizarre son hideux visage.