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s’enlaça fortement de ses deux bras, comme si elle eût voulu se soustraire à un péril imminent. — T’en souviens-tu ? dis…

— Non, mon ange, je ne me souviens que du baiser que tu me donnas en me disant adieu.

— Te souviens-tu de la course de taureaux ? du jour où je te vis dans la plaine qui s’étend dans le cloître ? Oh ! comme mon cœur battait quand je compris à tes gestes que tu m’avais reconnue, et quand j’entendis ta voix sous ma fenêtre !

Et puis, dit-elle plus bas, quand, au moyen d’une flèche, tu me lanças une échelle de soie dans ce jardin ?… Comme ma main tremblait en l’attachant au pied de ce palmier !

— Ma main tremblait aussi, Rosita.

— Te souviens-tu… ? Mais pourquoi parler du passé, ô mon amant ! le présent est à nous, à nous le présent et son délire, et sa joie enivrante, et ses brûlantes caresses, et sa douce lassitude… Va… quand je serai seule, quand, dans une ardente insomnie, mon sein palpitera, mes yeux se noieront de larmes, alors… il sera temps d’invoquer mes souvenirs.

Et sa tête se pencha sur celle du Gitano, et leurs bouches se pressèrent. — Oh ! viens, dit-il