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Alors ces malheureux, pâles et défaits, se soulevant à peine, se regardèrent avec un reste de frayeur, et d’un bond sautèrent sur la grève, en se sauvant à toutes jambes, comme si le Gitano eût été sur leurs traces.

Ils trouvèrent un asile à Conil ; là ils racontèrent longuement le prodige infernal, et ce récit, déjà dénaturé par eux, prit, en passant par la bouche des paysans de Conil et des environs, un caractère tel, que ce n’était plus une tartane, mais un immense vaisseau rempli de légions de démons vomissant des flammes, portant des ailes de feu, et ayant à leur tête le Gitano, — ou plutôt Satan lui-même, comme on l’avait dit judicieusement dans la boutique du barbier, — qui s’était élancé du fond de l’Océan, au moment où la tartane venait de s’abîmer sous les coups du garde-côte ; enfin ce fut une histoire digne du Romancero, mais qui, toute absurde qu’elle était, et suivant la prédiction du Gitano, tint pendant long-temps tout le littoral en haleine, et porta à son comble la terreur qu’inspirait le nom du damné.