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qui m’attendait. Voyant mon embarras, Fasillo, ce brave homme, qui allait prendre à Nantes le commandement d’un négrier, me proposa de partir avec lui : j’acceptai, et dix jours après, nous étions en vue du détroit de Gibraltar. Mon bon ami voulut bien relâcher à Tanger, où je restai quelque temps ; là, un juif, Zamerih, affilié à une de nos sectes de l’Orient, dont je suis un des chefs, me céda les deux tartanes avec leurs équipages de nègres muets ; et toi, caro mio, par-dessus le marché ; toi, pauvre aspirant de marine, qu’on avait pris à bord d’un yacht dont on massacra les passagers, tu t’attachas à mon sort, pauvre enfant ! — Tu aimes le damné, dis-tu ? bien vrai ! tu m’aimes ?

Le Gitano prononça ces derniers mots d’un air ému. La seule larme qu’il eût répandue depuis bien long-temps brilla un moment dans ses yeux, et il tendit la main à Fasillo, qui la saisit avec une exaltation inconcevable, en s’écriant : — À la vie, à la mort, commandant !

Et une larme aussi obscurcit le regard de Fasillo ; car tout ce qui impressionnait l’esprit ou la figure du maudit, se reflétait chez lui comme dans un miroir.

Pourtant, quoiqu’il adoptât les idées du Gitano, ce n’était point la pâle et servile parodie