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frances, car je m’aperçus un jour qu’on me faisait bien souvent répéter mes malheurs. Plus défiant, j’étudiai ces âmes généreuses, j’écoutai les réflexions que faisaient naître mes aveux. Là, je pus apprécier l’espèce d’intérêt qu’on portait à un homme brisé par le chagrin. D’abord, je fus accablé, depuis j’en ai ri. Figure-toi, Fasillo, qu’il leur fallait à tout prix des émotions neuves, comme ils disaient, et pour en trouver, je crois qu’ils auraient assisté à l’agonie d’un mourant, et analysé un à un ses mouvemens convulsifs. Or, à défaut de mon agonie, ils exploitèrent le récit de mes maux ; ils se plurent à faire vibrer chaque corde douloureuse de mon cœur, pour voir quel son elle rendait. Oui ! quand moi, les yeux étincelans, la poitrine gonflée de sanglots, je leur disais l’agonie de ma pauvre sœur, et mes horribles imprécations quand je vis qu’elle était morte… morte pour toujours ! eux disaient, en battant des mains : — Quelle expression ! — Quel geste ! Qu’il jouerait bien Otello !

Oui ! quand moi je racontais mes combats pour l’indépendance de l’Espagne, qui m’avait proscrit ; quand mon exaltation africaine, arrivant jusqu’au délire, haletant, je m’écriais en-