Page:Sue - Plik et Plok, 1831.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dos au bâton, ne voulant pas quitter ce frère chéri.

Enfin deux braves et loyaux compagnons s’il en fut ; mais que voulez-vous ? en face de la mort, il est bien permis d’égoïser un peu.

Le mât se dressait donc encore à six pieds hors de l’eau ; et pour celui qui en occupait le sommet, c’était une hauteur comparable à celle des montagnes les plus élevées ; car dans ces momens décisifs, une minute d’existence, c’est une année ;… un pouce de terrain, c’est une lieue.

Le frère aîné, qui pourtant avait la place inférieure, sentant la fraîcheur de la mer qui le pressait comme dans un cercle de fer glacé, fit un violent effort, et se cramponna aux genoux de son puîné.

Celui-ci, qui étreignait le mât de toutes les forces convulsives de l’agonie, tenta d’appuyer son pied sur la poitrine de son frère pour le noyer… Désespoir ! impossible. Il lui serrait les genoux comme dans un étau.

Et, chose étrange, ces deux têtes, qui souvent s’étaient joyeusement souri et tendrement embrassées, là se suivaient d’un œil avide, là se tuaient du regard.