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tures que j’endurais alors… Une tête plus faible que la mienne n’eût pas résisté à ces secousses. Quelquefois, après avoir témoigné à ma femme, par quelques paroles incohérentes, la terreur qu’elle m’inspirait, réfléchissant que, malgré d’effrayantes apparences, je n’avais pas de certitude réelle et que je me trompais peut-être, je poussais des sanglots déchirants en lui demandant pardon. Elle finit par croire ma raison égarée… Que vous dirai-je… je trouvai d’abord une satisfaction amère à laisser prendre quelque consistance à ce bruit, puis à l’augmenter et à l’accréditer par des bizarreries calculées. Le monde m’était odieux, je voulais ainsi échapper à ses exigences. Ce n’était pas tout : dès qu’on me crut sujet à des moments de folie, je pus, à l’abri de ce prétexte, me livrer sans scrupule à mes accès de méfiance, sans que mes précautions, ainsi attribuées à un dérangement d’esprit, pussent compromettre ou accuser ma femme. Tantôt, croyant ma vie menacée, je m’enfermais seul pendant des journées entières, ne mangeant que du pain et des fruits que mon fidèle Frantz allait m’acheter lui-même ; et encore souvent, dans ma terreur insensée, je n’osais pas même toucher à ces aliments… D’autres fois, rougissant de mon effroi, convaincu de l’innocence de Paula, je revenais à elle avec un repentir déchirant ; mais son accueil était glacial, méprisant.

— Pauvre Arnold ! — dit Pierre Raimond avec émotion. — Sans doute vous êtes faible ; mais cette