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j’étendis l’autre bras, je touchai une robe de femme… Je sentis un parfum léger, mais pénétrant, dont se servait habituellement Paula… Une épouvantable idée me traversa l’esprit… Je me rappelai le poison de Trieste… Je n’eus plus aucun doute… Cette révélation fut si foudroyante que je ne sais ce qui se passa en moi ; ma raison s’égara ; pendant quelques secondes, je me crus le jouet d’un horrible songe… Durant cet instant de vertige, la main que je tenais s’échappa sans doute… Quand je revins à moi, j’étais seul, toujours dans les ténèbres : — Frantz… Frantz… m’écriai-je en frappant à la cloison qui séparait ma chambre du cabinet où était mon domestique. Frantz ne dormait pas ; en une minute il entra tenant une lampe à la main.

— Et votre femme ? — s’écria Berthe.

— Figurez-vous ma surprise… ma stupeur… c’était à douter de ma raison ; Paula était profondément endormie dans un fauteuil auprès de la cheminée.

— Elle feignait de dormir… — s’écria Pierre Raimond.

— Je vous dis que c’était à devenir fou ; elle dormait, ou plutôt elle simulait si parfaitement un profond et paisible sommeil, que sa respiration douce, régulière, n’était pas même accélérée par la terrible émotion qu’elle devait ressentir ; sa figure était calme ; sa bouche légèrement entr’ouverte ; son teint faiblement coloré par la chaleur