Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gissant de cette crainte si insultante pour Paula, je quittais brusquement la table…

Dans cette lutte sourde et concentrée, ma santé s’altéra, mon caractère s’aigrit ; Paula me témoigna un éloignement de plus en plus prononcé.

— Quelle vie… mon Dieu, quelle vie ! — s’écria Berthe en essuyant ses yeux humides.

— Hélas ! dit M. de Hansfeld, cela n’était rien encore. Nous quittâmes Trieste à la fin de l’automne ; ma femme voulait aller passer l’hiver à Genève, puis venir ensuite en France ; surpris par un orage violent, nous nous arrêtâmes à quelques lieues de Trieste, dans une misérable auberge à la tombée de la nuit. La tempête redoubla de fureur, un torrent que nous devions traverser était débordé ; il fallut nous résigner à passer la nuit dans cette demeure. L’endroit était désert. Il me sembla que le maître de l’auberge avait une figure sinistre. Je proposai à ma femme de veiller le plus tard possible, et de sommeiller ensuite sur une chaise, afin de pouvoir partir avant le jour, dès que les chemins seraient praticables. Notre suite se composait de deux domestiques à moi et de la jeune fille qui accompagnait Paula. J’avais pour cette enfant toutes les bontés possibles, je savais en cela plaire à ma femme ; d’ailleurs, Iris (c’est le nom de cette bohémienne) m’était presque aussi dévouée qu’à sa maîtresse. Nous occupions pendant cette nuit fatale… oh ! bien fatale… une petite chambre dont l’unique porte ouvrait sur un cabinet où se trouvait Frantz,