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turel ; rien dans son langage, dans ses manières, ne pouvait avertir madame de Brévannes du péril qu’elle courait.

La conduite d’Arnold était un aveu continuel, il n’avait pas besoin de dire un mot d’amour ; si par hasard il se trouvait seul avec Berthe, son regard, son accent étaient les mêmes qu’en présence du graveur. Celui-ci rentrait-il, Arnold pouvait toujours finir la phrase qu’il avait commencée.

Comment madame de Brévannes se serait-elle défiée de ces relations si pures et si paisibles ? Jamais Arnold ne lui avait dit : Je vous aime ; jamais elle n’avait un moment songé qu’elle pût l’aimer, et déjà ils étaient tous deux sous le charme irrésistible de l’amour.

Nous le répétons, par un singulier hasard, ces trois personnes, sincères dans leurs affections, sans défiance et sans arrière-pensée, s’aimaient : Arnold aimait tendrement le vieillard et sa fille, ceux-ci lui rendaient vivement cette affection ; tous trois enfin se trouvaient si heureux, que par une sorte d’instinct conservatif du bonheur, ils n’avaient jamais songé à analyser leur félicité, ils en jouissaient sans regarder en-deçà ou au-delà.

La seule chose qui aurait pu peut-être éclairer Berthe sur le sentiment auquel son cœur s’ouvrait de jour en jour, était l’espèce d’indifférence avec laquelle elle supportait les duretés de son mari ; elle s’étonnait même vaguement de ressentir alors si peu des blessures naguère si douloureuses…