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la charité publique offre à l’infortune honnête… Mais puisque….

— Mais puisque je reconnais si mal, n’est-ce pas, les bontés de monsieur votre père pour moi, il n’aura pas l’obligeance de me permettre de le soutenir plus longtemps ; il me fera la mauvaise plaisanterie d’aller s’établir à l’hôpital.

— Cela est certain, Charles, car je ne puis pas lui laisser ignorer vos reproches…

En prononçant ces dernières paroles, la voix de Berthe, jusqu’alors ferme, s’émut beaucoup ; ses forces étaient à bout ; elle avait depuis longtemps contraint les larmes qui l’oppressaient, mais elle ne put conserver davantage cet empire sur elle-même : elle cacha sa tête dans ses mains, retomba dans un fauteuil, et se prit à pleurer avec amertume.

M. de Brévannes était égoïste, dur, orgueilleux ; mais il était fort intelligent. Malgré ses sarcasmes sur les étranges principes du père de Berthe à l’endroit des bienfaits des riches, il savait parfaitement que, raisonnable ou absurde, la conviction de sa femme et de Pierre Raimond était à ce sujet sincère et profonde. Ses plaisanteries n’avaient été qu’un jeu cruel…

La douleur de Berthe le toucha d’autant plus qu’il se rappela ses derniers torts envers elle ; il réfléchit enfin à tout ce qu’il lui avait dit d’humiliant. Plus elle semblait dépendre de lui, plus il devait ménager sa délicatesse et ne pas l’accabler de reproches si cruels.