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donc que je vous ai tirée de la misère, que votre père vit de mes bienfaits, et que j’avais été assez bon pour lui offrir autrefois d’habiter chez moi ?…

— Je n’ai jamais oublié que vous m’avez tirée de la misère, comme vous le dites, Charles, et cela a été d’autant plus méritoire de ma part, que j’étais parfaitement indifférente à cette misère ; il m’a fallu, pour vous aimer, quoique riche, surmonter peut-être autant de répugnance qu’il vous a fallu en surmonter pour m’aimer quoique pauvre !

— Vraiment ! vous m’avez fait cette grâce-là, de m’aimer malgré mes quarante mille livres de rentes ?

— Quant à ce reproche, Charles, que mon père vit de vos bienfaits… c’est la première fois que vous me le faites… ce sera la dernière…. Depuis bientôt un an la vue de mon père est si affaiblie qu’il a été obligé de renoncer au travail qui jusque-là lui avait suffi pour vivre… À force d’instances, je suis parvenue à lui faire accepter une modique pension… il a consenti à la recevoir.

— Afin de n’être pas au-dessous de vous en fait de condescendance, M. Raimond m’a fait aussi la grâce d’accepter de quoi vivre à l’aise au lieu d’aller à l’hospice.

— Oui, mon père a fait grâce à votre vanité en n’allant pas à l’hospice. Dans ses principes, il n’y avait là rien de déshonorant ; vieux, infirme, hors d’état de vivre de son travail, ainsi qu’il l’avait toujours fait, il aurait usé sans honte de l’asile que