— Et pourquoi seriez-vous triste ? Que vous manque-t-il ? N’êtes-vous pas dans une position inespérée ? N’ai-je pas humainement fait tout ce que je pouvais faire pour vous ?
— Charles, vous savez si je suis ingrate ; mon seul regret est de ne pouvoir vous mieux prouver ma reconnaissance.
— Tout ce que je vous demande, c’est de me rendre ma maison agréable, c’est d’avoir toujours l’air riant et heureux, au lieu de censurer ma conduite par vos affections mélancoliques… Si j’ai suivi mon inclination en me mariant avec vous, ç’a été d’abord parce que je vous aimais… et ensuite pour….
— Pour avoir une femme soumise à toutes vos volontés, mon ami, je le sais ; vous m’avez préférée à un parti riche, parce que la reconnaissance du sacrifice que vous m’avez fait m’impose des devoirs plus grands encore… J’aurais été désolée que vous eussiez calculé autrement, Charles, car je n’aurais pu m’acquitter envers vous. Seulement, vous vous trompez si vous croyez que ma tristesse, souvent involontaire, est une critique de vos actions : il ne m’appartient pas de les juger.
— Mais que signifie donc alors cette tristesse ?
Après un moment d’hésitation, Berthe reprit en baissant les yeux :
— Quelques-unes de vos actions peuvent m’attrister sans que je me plaigne.