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n’avait pas cru la nuit si avancée ; une voiture s’arrêta à la porte. Berthe regretta d’avoir veillé si tard ; une fois pour toutes son mari lui avait expressément défendu de l’attendre ; ses gens même se couchaient. Il rentrait habituellement par une petite porte bâtarde de sa maison dont il avait la clef ; il lui fallait passer par le petit salon de Berthe pour entrer dans une des deux chambres à coucher qui communiquaient à cette pièce.

Lorsque son mari parut, Berthe se leva et alla à sa rencontre en tâchant de sourire afin de conjurer l’orage qu’elle redoutait.

Les traits contractés de M. de Brévannes témoignaient de sa mauvaise humeur. Les quelques mots dits au hasard par madame de Beauvoisis sur son voyage d’Italie avaient éveillé en lui une foule d’idées pénibles, forcément contraintes pendant le bal et le souper. Il fut presque satisfait de trouver sa femme encore levée ; en la querellant il espérait épancher l’amertume qui le dévorait.

— Comment ! — s’écria-t-il, — vous n’êtes pas encore couchée ! à quatre heures du matin ! À quoi pensez-vous donc ? Suis-je ou non maître de mes actions ? À peine arrivés ici, votre système d’inquisition va-t-il recommencer ? Aussi bien, puisque nous voilà sur ce chapitre, épuisons-le une bonne fois, afin de n’y plus revenir de tout l’hiver.

Et il s’assit brusquement dans le fauteuil de Berthe, qui resta debout près du piano, stupéfaite de ce brusque débordement de reproches.