Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tel fut le thème invariable de Pierre Raimond.

Il y avait dans la manière absolue dont cet homme austère envisageait la distance qui sépare les riches des pauvres, plus de fierté que d’humilité. Il établissait entre ces deux conditions, qu’il regardait comme hétérogènes et inconciliables, une ligne aussi tranchée, aussi infranchissable, que celle que les républicains tracent entre eux et les aristocraties.

L’énergique opiniâtreté de M. de Brévannes eût échoué devant la fière pauvreté de Pierre Raimond, si la vie de Berthe n’eût pas été compromise.

L’instinct d’un père est presque toujours d’une admirable perspicacité ; lorsque cet instinct s’allie à un rare bon sens, il atteint à la divination.

Pierre Raimond pressentait le sort de sa fille. Néanmoins, obligé d’opter entre la mort de cette enfant chérie et un avenir redoutable, qu’il serait peut-être possible de conjurer, le graveur consentit enfin au mariage, qui se fit peu de temps après le retour de M. de Brévannes.

Berthe n’avait pas un moment douté de l’amour de son mari.

Ce cœur simple et bon, noble et confiant, n’avait pu se défendre contre le vouloir implacable de cet homme dont l’emportement l’avait flatté ; dans sa vanité naïve, la jeune fille se demandait avec une certaine fierté s’il ne fallait pas que M. de Brévannes l’aimât beaucoup pour avoir pour-