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surde, et résolut de quitter Paris. Avant de partir il eut un dernier entretien avec Berthe. Il s’attendait à une scène de désespoir : il trouva la jeune fille triste, calme, résignée. Jamais elle ne s’était fait illusion sur son amour pour M. de Brévannes ; elle s’était toujours attendue aux pénibles conséquences de ce malheureux attachement.

Et puis encore, chose singulière, Pierre Raimond, artiste probe, austère, d’un rigorisme stoïque, avait élevé sa fille dans de telles idées sur la richesse, que la disproportion de fortune qui existait entre M. de Brévannes et Berthe semblait à celle-ci aussi infranchissable que la distance qui sépare un roi d’une fille du peuple.

Ainsi, loin de lui demander pourquoi, étant libre, il ne l’épousait pas, moyen fort simple de mettre d’accord l’amour et le devoir, Berthe avait ingénument avoué à M. de Brévannes que leur amour était d’autant plus désespéré que Pierre Raimond, dans sa fière pauvreté, ne consentirait jamais à marier sa fille à un homme riche.

Au moment de se séparer de M. de Brévannes, Berthe lui promit de faire tout au monde pour l’oublier, afin d’épouser un homme pauvre comme elle ; sinon, elle ne se marierait jamais.

Ces paroles, exemptes de toute exagération, simples, vraies comme la pauvre fille qui les prononçait, ne firent aucune impression sur M. de Brévannes ; dans l’angélique résignation de Berthe, il vit une flagrante et dernière preuve du complot que