qu’ils mettent une sorte de noble dépravation à ne pas avoir. Et puis enfin (nous voulons à tout prix excuser la constance et la résignation de notre héros), certains gourmets sensés savent de temps à autre rafraîchir, renouveler la sensibilité de leur goût par une intelligente sobriété. Ceci posé, M. de Morville disculpé (nous l’espérons du moins), des ridicules inhérents à la position d’amant fidèle ou d’amant malheureux, nous instruirons le lecteur d’une nouvelle particularité.
Huit jours environ après son entretien avec madame de Hansfeld, M. de Morville reçut par la poste la lettre suivante d’une écriture inconnue :
« La démarche que l’on tente auprès de vous est étrange et folle ; vous pouvez y voir une raillerie, un badinage ou un caprice ; vous pouvez y répondre par le silence, par les plaisanteries ou par le dédain ; on ne s’abuse pas ; il y a mille raisons pour que cette démarche, pourtant aussi sérieuse, aussi solennelle qu’il en soit au monde, vous semble ridicule ou indigne de votre attention… Cependant on a joué toute une existence… sur l’espoir presque insensé que l’instinct de votre cœur vous révélerait ce qu’il y a de sincère, de grave dans la question qu’on va vous faire : Votre cœur est-il libre ?
« On sait qu’un souvenir chéri le remplit depuis presque deux années ; mais il ne s’agit pas de ce passé : on s’adresse à votre honneur, à votre loyauté bien connus. Pouvez-vous répondre à un amour