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qui prouvent du moins qu’elle lui avait soigneusement caché ses chagrins.

— C’est toujours enfin l’homme digne d’inspirer la passion dont tu serais morte, malheureuse enfant, si j’avais persisté dans mes refus ?…

— Oui, mon père… Charles n’a pas changé.

— Dieu soit loué ! Eh bien ! je l’avoue… je me suis trompé…

— Trompé ?… Et sur qui, bon père ?

— Tu ne sais pas pourquoi, cette année, j’attendais ton retour avec plus d’impatience encore que les autres années ?

— Mon Dieu, non.

— Tu ne sais pas pourquoi je suis doublement ravi de te voir aujourd’hui ?

— Explique-toi donc… Mais, mon Dieu !… tu pleures… tu pleures !

— Et tu ne sais pas pourquoi je pleure… mais c’est de joie, vois-tu… oh ! bien de joie.

— Oh ! tant mieux !

— Mon enfant… l’épreuve a assez duré.

— Quelle épreuve ?

— Je souffrais tant ! vieux, infirme, réduit à passer mes jours seul… moi, qui depuis ta naissance n’avais pas manqué de t’embrasser le matin et le soir… j’avais reporté sur toi la tendresse que j’avais pour ta mère… Quelle amertume d’être condamné à ne te voir que quelques heures par semaine et à ne pas te voir pendant des mois entiers.

— Bon père… je souffrais bien aussi…