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jours rester dans cette sphère ? Non : l’amour platonique est impossible entre deux jeunes gens, tôt ou tard l’un ou l’autre succombe. C’est un piège dangereux. Il apparaît plein de charme et de grandeur. Si votre amour mal éteint pour votre mari n’eût pas soutenu votre vertu, vous eussiez succombé comme moi ! Quand le cœur est pris, on n’échappe pas à la contagion du désir.

« J’ai bien réfléchi, je me suis fait vous pour vous juger au point de vue absolument moral : vous êtes irréprochable. Pour moi, cela est cruel, il ne m’est, pour ainsi dire, pas permis d’avoir des regrets.

« Vous dévouer ma vie, cacher notre bonheur dans la solitude, parce que les grandes passions sont solitaires, ainsi pour moi l’avenir était complet et magnifique ! Que me reste-t-il ? Rien, ni l’amour de frère, ni l’amour d’amant. Depuis qu’en vous j’ai vu la femme… la sœur a disparu.

« La femme, par une brusque préférence, m’a témoigné sa répugnance,… la femme n’existe plus pour moi. Vaincre ou braver une répugnance m’a toujours été aussi im-