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En vain la duchesse me supplia de rester chez elle et de continuer d’habiter mon pavillon, dût-elle surmonter l’aversion que lui inspirait le voisinage de M. de Lancry ; je refusai : mes relations avec mon mari eussent été surveillées de trop près, et l’on eût bien vite reconnu mon mensonge.

Je ne saurais dire les larmes, la désolation de madame de Richeville ; dans la franchise de son amitié, dans l’emportement de son chagrin, elle me fit de cruels reproches… Je les dévorai en silence, ils me prouvaient la force de son affection pour moi, et à ses yeux je les méritais.

Pour la première fois de ma vie, je sentis l’espèce de jouissance amère que l’on éprouve en se voyant méconnue, blâmée, et en se disant : d’un mot je pourrais changer ces blâmes en adorations…

Il me sembla beau d’accomplir ainsi seule, accusée par tous, une œuvre que tous auraient admirée.

Alors je comprenais (dans un noble but) ces luttes sourdes, incessantes, acharnées, que certaines personnes engagent contre la société